Tuberculose & maladies du coeur. De l'endocardite tuberculeuse simple / par Leopold Braillon.

Date:
1904
    du poumon droit, qui présentait des signes d'endocardite aiguë à localisation mitrale et qui mourut avec des accidents d'œdème pul - monaire et d'asystolie à évolution rapide. A l'autopsie, je pus constater l'existence d'un épaississement inflammatoire du bord libre de la mitrale formant une collerette à l'origine d'insertion des tendons des piliers. En un point apparaissait une sorte de tubercule à centre ramolli, de la grosseur d'un fort grain de mil et dans lequel l'examen histologique permit de retrouver des bacilles de Koch. La disposition des lésions était tout à fait sembla- ble à ce que MM. Braillon et Jousset viennent d'exposer. Ces cas confirment les données fournies par Potain et Teissier sur l'origine tuberculeuse de certaines lésions mitrales et nous permet- tent de nous rendre un compte plus exact des conditions de produc- tion et d'évolution anatomique de ces lésions. Obs. XIII. — OEttinger et Braillon, Endocardite tuberculeuse pri- mitive. Bulletins et mémoires de la Société médicale des hôpitaux, 15 juillet 1904.— C... (Eugénie), vingt-trois ans, entrée à l'hôpital Broussais, le 20 mai 1903. Elle est couchée au n° 13 de la salle Axenfeld. Le père est mort de tuberculose à cinquante ans. Sa mère aurait succombé à une affection cholérique. Son enfance n'a été marquée par aucune maladie dont elle ait conservé le souvenir. Elle n'a jamais souffert en particulier d'affec- tion à localisation articulaire. Réglée à quatorze ans, elle aurait été atteinte à l'âge de dix-sept ans d'une fièvre typhoïde et sa santé serait redevenue bonne jusqu'à l'année 1902. A cette date, elle dut entrer à l'Hôtel-Dieu de Caen, pour y être soignée du 28 juillet jusque dans le courant d'octobre. Elle aurait présenté des accidents fébriles, avec céphalalgie,troubles digestifs dont la nature, d'après les renseignements qui nous ont été donnés, n'a jamais été bien établie. D'après les dires de la malade, c'est pendant son séjour à l'hôpital et un certain temps après son entrée que l'on aurait constaté chez elle les signes physiques d'une
    affection cardiaque qui me s'était révélée jusque-là par aucun trouble fonctionnel. Depuis sa sortie de l'hôpital sa santé est restée chancelante, ses règles n'ont jamais reparu avec une régularité et une abondance normales. Elle a présenté des palpitations et de la dyspnée d'effort et n'a pu reprendre d'une manière régulière son métier de bonne. Nous nous trouvons en présence d'une malade assez grande, mais pâle et amaigrie. Les seins, les organes génitaux sont développés d'une manière normale, il n'y a pas d'infantilisme. L'attention est de suite attirée du côté du cœur, la pointe bat dans le 5e espace intercostal, très légèrement en dehors de la ligne mamelonnaire. Elle se déplace quand on fait placer la malade sur le décubitus latéral. La matité relative du cœur dépasse le bord droit du sternum de un travers de doigt environ et dénote une hypertrophie peu considé- rable du ventricule gauche. La matité absolue ne s'est pas modifiée d'une façon appréciable dans son étendue ni dans sa forme. A la palpation on sent dans la région de la pointe un thrill peu intense, d'ailleurs inconstant. L'auscultation dénote toute la symptomatologie d'une lésion mi- trale complexe, caractérisée par un bruit présystolique, un souffle systolique à propagation axillaire, et à la base un dédoublement du second bruit. Le pouls est petit et accéléré. Le foie est gros et dépasse le rebord costal de trois à quatre travers de doigt. En même temps il existe de la fièvre, la température oscille entre 38°5 et 39 degrés. La malade tousse sans expectoration notable. Du côté des bases il existe en arrière une matité qui occupe les derniers espaces intercostaux, avec abolition des vibrations thoraci- ques, diminution du murmure vésiculaire. On entend des deux côtés quelques râles sous-crépitants. Une ponction exploratrice du côté gauche ne ramène qu'un peu de sang ; du côté droit on retire du liquide sérofibrineux qui présente la formule cytologique des épanchements inflammatoires, polynu- cléaires avec nombreuses cellules endothéliales.
    Le 25 mai, la température est redevenue normale. Les signes de congestion pulmonaire et d'épanchement des bases sont en voie de résolution. Mais on constate un affaiblissement du murmure dans le poumon droit, surtout marqué du côté de la fosse sus-épineuse, où il s'accompagne d'une expiration légèrement pro- longée avec retentissement de la voix. La percussion en cette région est normale et ne provoque pas de douleurs. La malade est restée à la salle Axenfeld jusqu'en février 1904. Les signes physiques du côté du cœur et du côté du poumon n'ont pas subi pendant cette longue période de modification bien nette. Quelque temps après son entrée, on constatait cependant vers la partie interne des 4e et 5° espaces intercostaux et à la base de l'ap- pendice xipho'ïde un brui t diastolique à timbre de souffle doux dont le début ne coïncidait peut-être pas exactement avec le deuxième bruit cardiaque, mais lui était légèrement postérieur. Ce bruit qui a per- sisté en s'accentuant jusqu'au départ de la malade n'était pas percep- tible au niveau du foyer aortique. Pendant ce long espace de temps les symptômes morbides pré- sentés par notre malade ont été de deux ordres : ils ont consisté en signes d'insuffisance cardiaque et en phénomènes fébriles. L'hyposystolie fréquemment présentée par la malade et caracté- risée par la dilatation du cœur droit, l'hypertrophie du foie, la peti- tesse et la rapidité du pouls, s'aggravait de temps en temps malgré le repos et le régime et survenaient des poussées asystoliques avec dyspnée plus marquée, congestion douloureuse du foie, diminution de la quantité des urines, irrégularité et hypotension plus considé- rables du pouls. En même temps que ces troubles mécaniques de la circulation cardiaque l'examen de la courbe thermique faisait cons- tater que la température s'élevait fréquemment au-dessus de la nor- male pour atteindre 39 degrés. Ces poussées fébriles tantôt intermit- tentes, tantôt rémittentes, se prolongeant pendant plusieurs jours, séparées les unes des autres par des intervalles souvent fort longs d'apyi*exie complète, ne s'accompagnaient d'aucune réaction appré- ciable du côté du système nerveux, de l'appareil respiratoire ou du tube digestif.
    Elles seraient passées inaperçues sans une recherche systématique. Nous n'avons pas constaté de parallélisme entre les accidents in- fectieux et les troubles asystoliques. Il est possible cependant de diviser en trois périodes assez nettes l'évolution des troubles constatés chez notre malade pendant son séjour dans notre service : La première période s'étend depuis son entrée jusqu'au mois de septembre 1903. Les poussées fébriles sont particulièrement fréquen- tes, elles présentent les caractères que nous avons indiqués, le fonc- tionnement du cœur est relativement satisfaisant. Du mois de septembre au mois de novembre les conditions mé- caniques de la circulation cardiaque ne subissent pas de modifica- tions, mais la courbe se maintient d'une façon à peu près constante aux environs de 37 degrés, en même temps que la malade engraisse d'une façon notable de façon à atteindre le 27 octobre le poids de 48 kil. 500. Cette phase d'amélioration fait place à partir du mois de novembre à une troisième période marquée à la fois par la fréquence des pous- sées fébriles et par l'installation d'un état d'asystolie chronique et irréductible avec dilatation cardiaque et congestion hépatique, mais sans œdèmes périphériques. Le 3 février la malade, se trouvant un peu améliorée, sort de l'hô- pital malgré notre opposition. Son poids est retombé à 45 kilogram- mes. Les signes d'auscultation du côté du cœur et de la fosse sus- épineuse sont restés sensiblement ce qu'ils étaient à son entrée neuf mois auparavant. Le souffle d'insuffisance mitrale est peut-être moins intense. Du côté de la base de l'appendice xiphoïde on entend tou- jours un léger souffle diastolique. Le 10 février la malade est admise dans le service du professeur Gilbert en pleine crise asystolique. Il existe du côté droit un hydro- thorax qui à l'examen cytologïque montre en grande quantité des cellules endothéliales isolées ou réunies en placards. Les accidents asystoliques au lieu de rétrocéder s'accentuent de plus en plus et la malade succombe le 8 mars. L'autopsie que nous avons pu pratiquer le 9 mars, grâce à l'obli-
    geance de M. Jomier, nous a permis de constater en même temps que les lésions banales de l'asystolie du coté des poumons et de la plèvre, du foie et des reins, des lésions intéressantes du côté du cœur et des lésions du poumon sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. Du côté du cœur, on constate que cet organe est modérément aug- menté de vulume ; s'il n'y a pas d'adhérence du péricarde avec la paroi thoracique, on constate cependant que ses deux feuillets sont reliés l'un à l'autre par des adhérences fibreuses sur toute leur éten- due. L'oreillette droi te et l'oreillette gauche sont légèrement dilatées ; le ventricule gauche est augmenté de volume, mais modérément. Après avoir ouvert les diverses cavités du cœur et les avoir débar- rassées des caillots qui les remplissaient, on constate tout d'abord un rétrécissement de l'orifice tricuspidien qui ne permet qu'avec diffi- culté l'introduction de l'extrémité des^deux premiers doigts ; les bords libres des valves sont légèrement rétractés et en même temps modé- rément et régulièrement épaissis. Il s'agit là évidemment d'une lé- sion ancienne et l'on ne trouve nulle part à ce niveau de végétations ou de petites saillies verruqueuses révélatrices d'une endocardite récente. Les valvules sigmoïdes pulmonaires sont normales. Au niveau du cœur gauche il existe un rétrécissement très serré de l'orifice mitral dans lequel on n'introduit que difficilement l'extré- mité du petit doigt ; l'orifice est en même temps insuffisant. Les deux valves sont rétractées, scléreuses, épaissies surtout au niveau de la partie moyenne et inférieure de la grande valve qui fait saillie sur les parties environnantes. Au-dessus, à quelques millimètres du rebord libre de la valve, sur la face auriculaire, existent de petites végétations du volume d'une tête d'épingle environ, qui font à l'orifice mitral une collerette com- plète. Quant aux valvules aortiques, elles ont leur souplesse et leur mor- phologie normales, mais elles présentent sur leur face cardiaque une fine collerette de petites végétations d'endocardite récente, qui, par- tant des angles valvulaires, forme, en s'incurvant vers la partie mé- diane de la valvule, une sorte de guirlande située à ce niveau là à plusieurs millimètres du bord libre.