Volume 1

Traité de chimie minérale, végétale et animale ... / Traduit par A.J.L. Jourdan [and M. Esslinger].

  • Berzelius, Jöns Jakob, friherre, 1779-1848
Date:
[1829-1833]
    dont les molécules se meuvent avec une grande rapi- dité. Son hypothèse explique bien les phénomènes; mais elle a contre elle la difficulté d’une diminution impro- bable de la masse du soleil, sans laquelle on ne saurait concevoir d’émission. Cette difficulté n’entraîne ce- pendant pas l’impossibilité que les choses soient réelle- ment ainsi. Mais Young a reconnu dernièrement que, dans certaines circonstances , un rayon lumineux peut être détruit par un autre rayon lumineux, au point que de là il résulte de l’ombre ou de l’obscurité. Or, ce phé- nomène est absolument incompatible avec le système de l’émission; tandis que, dans celui de l’ondulation, il s’explique très-bien en disant que quand, de deux ondes, l’une se trouve arrêtée à la moitié de son am- plitude, sa base se confond avec le sommet de l’autre, et qu’elles se détruisent réciproquement. Euler suppo- sait une matière subtile, nommée éther, en faveur de laquelle nul autre motif ne parle, sinon qu’on a besoin d’elle pour expliquer les phénomènes. En effet, cette matière ne tombe pas sous les sens ; elle remplit l’espace, elle n’a point de pesanteur, c’est-à-dire qu’elle n’est at- tirée, ni par le soleil, ni par la terre, et ses oscillations produisent sur nos sens l’impression que nous appelons lumière. Mais nous ne comprenons pas comment le mouvement qui engendre la lumière, une fois excité dans l’éther, peut s’arrêter sans le concours d’une force contraire, qui le neutralise. Cependant nous voyons qu’il peut cesser instantanément sans que les corps opaques projettent des ombres, lesquelles dépendent de ce que l’éther, situé derrière le corps qui porte une ombre, reste en repos. S’il n’y a qu’une seule force qui agisse en sens inverse de l’éther lumineux, et le ramène au repos, cette force doit agir comme celle qu’on ap- pelle en physique force cVinertie, et l’éther doit par conséquent opposer de la résistance aux corps qui ten- dent à le pénétrer. Mais s’il en était ainsi, les planètes seraient arrêtées par lui dans leurs orbes, et la vitesse de leur mouvement diminuerait d’année en année ; ce
    qui n’est pas moins contraire à l’observation, et même à toute vraisemblance, que la diminution de la masse du soleil par le fait de l’émission de la lumière. Si l’on ajoute encore qu’il se passe, dans la décom- position chimique, des phénomènes que les oscillations de l’éther n’expliquent point, nous sommes forcés de convenir que la théorie d’Euler paraît dénuée de vrai- semblance , quoiqu’il ne suive point de là que nous puissions regarder celle de Newton comme exacte. Il ne nous reste donc qu’à avouer que nous avons besoin en- core d’un très-grand nombre de découvertes, pour pou- voir nous figurer que nous savons quelque chose de certain touchant la nature de la lumière. DU CALORIQUE. Le calorique est le second principe constituant des rayons solaires. Il ne disparaît point à nos sens, comme la lumière, quand ces rayons viennent à être absorbés, mais devient appréciable par une sensation particulière qu’il excite en nous, et qu’on désigne sous le nom de chaleur. La zone moyenne de la terre est constamment chaude, parce que sa situation à l’égard du soleil se trouve telle, qu’elle reçoit les rayons de cet astre perpendiculaire- ment à sa surface. Mais, plus on approche des pôles, plus la terre se refroidit, parce que sa forme ronde fait que les rayons solaires ne tombent qu’obliquement sur ces deux régions. Il résulte de là que plus l’angle d’in- cidence des rayons sur la courbe décrite par la surface du globe s’éloigne d’un angle droit, moins est grande la quantité que cette surface en reçoit, proportion gar- dée, sous le rapport de l’étendue, et moins aussi le sol s’échauffe, de manière qu’enfin les rayons solaires ne faisant que passer devant les pôles eux-mêmes, ils n’y déposent point de chaleur. Cependant l’inclinaison de la terre sur son orbite fait que le soleil éclaire chaque pôle, durant six mois, dans une direction fort oblique, et que la zone sur laquelle les rayons de cet astre i
    tombent à plomb s’écarte de l’équateur alternativement un peu vers le nord et un peu vers le midi. Ainsi la surface de la terre est froide par elle-même. Il n’y existe de calorique que là oil la chaleur se sépare des rayons solaires, et cette chaleur persiste à une plus ou moins grande profondeur dans la masse du globe, suivant que la surface de celui-ci se trouve plus ou moins échauffée. Si le soleil cessait de luire, la terre [ se refroidirait très-promptement jusqu’à la température qui règne sous les poles, peut-être même au-delà, parce qu’elle ne recevrait plus de chaleur, et qu’en accom- plissant sa révolution , elle perdrait sans cesse celle quelle aurait acquise auparavant, la chaleur n’ayant pas de pesanteur; ce qui fait qu’elle n’est ni attirée ni retenue par la masse de notre planète. C’est de cette manière que la rotation du globe ter- restre, présentant successivement les diverses parties de sa surface au soleil, explique la différence de tempéra- ture qui règne entre le jour et la nuit, entre l’été et l’hiver. La même cause aussi fait que les pôles de la terre sont une masse solide, et que l’eau qui constitue les lacs et les mers ne devient liquide qu’à une certaine distance de ces deux points, sur lesquels il ne tombe pas de rayons solaires assez denses pour y fondre la glace au moyen de leur calorique. Nous ignorons si la terre est plus chaude ou plus froide dans son intérieur qu’à sa surface : les expériences faites pour résoudre ce problème n’ont pas donné de résultats uniformes. En mesurant la chaleur de la mer dans des endroits profonds, on a trouvé qu’elle diminuait avec la pro- fondeur; de sorte qu’à la plus grande qu’on ait encore atteinte, elle n’était plus que d’un ou deux degrés au- dessus de zéro. Mais l’eau froide étant plus pesante que la chaude, il doit s’opérer un mouvement qui pré- cipite l’eau des régions froides vers le fond des bassins des contrées chaudes, dont l’eau chaude va gagner la surface de ceux des pays froids; d’oii résultent des cou- rans qui entretiennent l’eau du fond de la mer à une
    basse température. Les mesures prises dans les mines, tant en Europe qu’en Amérique, ont appris, au con- traire, que la chaleur augmente avec la profondeur, et qu’elle paraît croître d’un degré du thermomètre à chaque distance de 3^ mètres (107,2 pieds); ce qui semble dénoter que la terre a une température fort élevée dans son intérieur, et qu’elle pourrait bien être déjà rouge à 36,000 pieds du sol. Cependant on a voulu attribuer l’élévation de la température des mines à des développemens accidentels de chaleur provenant des travaux qu’on y exécute, de sorte que ce point de doctrine ne paraît pas être parfaitement éclairci. Mais quand on réfléchit que les élémens des composés qui constituent la terre ne peuvent se combiner les uns avec les autres sans qu’il en résulte une élévation considé- rable de température, il devient vraisemblable que notre planète a été jadis beaucoup plus chaude à sa surface qu’elle ne l’est aujourd’hui, hypothèse à l’appui de laquelle la géologie fournit d’ailleurs des argumens presque invincibles, et qu’en se retirant de la sur- face avec le temps, la chaleur a fort bien pu rester profondément dans l’intérieur de la terre, d’oîi il ne lui est plus possible maintenant de se dégager qu’avec une extrême lenteur. En corps échauffé d’une manière quelconque laisse échapper peu à peu son calorique, et celui-ci l’aban- donne, soit en rayonnant comme la lumière, soit en se communiquant aux corps voisins, qui s’échauffent par-là. Le calorique, en cessant d’être lumineux, ne perd pas totalement la faculté de rayonner : aussi peut-on, à l’aide d’un miroir métallique concave, recueillir les rayons de chaleur qui s’échappent d’un corps échauffé, mais non rouge, c’est-à-dire non lumineux, et les con- centrer au foyer, ou le thermomètre, quand on l’y place, monte beaucoup plus haut qu’il ne fait dans le milieu environnant. Scheele est le premier qui ait enseigné à connaître la différence entre la lumière et la chaleur
    rayonnantes, et qui ait démontré que Tune et l’autre obéissent aux mêmes lois dans leur réflexion. Long- temps auparavant déjà l’Académie del Cimento, en Ita- lie, avait fait une expérience dont le but était de rece- voir et condenser les rayons de froid d’un morceau de glace; mais cette expérience et les conséquences qui en découlent furent entièrement oubliées des physiciens, jusqu’à l’époque ou Pictet répéta l’une et constata l’exactitude des autres. Comme nous avons de puis- santes raisons pour penser que le froid n’est autre chose que l’absence de la chaleur, ceci paraît d’abord, incompréhensible; mais, qu’après avoir pris deux miroirs métalliques concaves de dimensions égales, on les place à une distance l’un de l’autre qui ne soit pas trop con- sidérable, par exemple, à six ou huit pieds; de telle sorte que les rayons qui partent du foyer de l’un se ras- semblent au foyer de l’autre, ainsi que l’indiquent les lignes ponctuées dans la fig. i, pi. Il; si alors on sus- pend au foyer de l’un de ces miroirs, par exemple en A, un corps échauffé, mais pas assez pour être devenu lu- mineux , on remarque que la main tenue au foyer B du second miroir s’échauffe sensiblement, et qu’un ther- momètre, placé au même endroit, y monte beaucoup. Qu’ensuite, on suspende un morceau de glace au point A, et au point B un thermomètre très-sensible, par exem- ple, un thermomètre à air, qui est le meilleur de tous pour cette expérience, on voit l’instrument descendre au-dessous de la température de l’air qui l’environne. L’abaissement devient plus prononcé encore lorsqu’on répand un peu de sel ammoniac pulvérisé sur la glace, que cette addition porte à se refroidir davantage, pour des raisons qu’on connaîtra plus tard. Si l’on retire le morceau de glace du foyer A, et qu’on le porte, par exemple, au point intermédiaire entre A et B, il a beau se trouver alors plus rapproché du thermomètre, celui- ci n’en commence pas moins à monter aussitôt que le glaçon n’occupe plus le point A. De tout cela on pourrait être tenté de conclure qu’il